Esmez, successeur de Garnier, ouvrait le Tonkin, maintenait provisoirement les garnisons françaises, protégeait les « populations requises par les Français ». Le nouveau négociateur rendit aussitôt les citadelles aux Annamites, acquiesça à l’expulsion de Dupuis. Avant même la fin des pourparlers, commença le massacre des indigènes. Ainsi furent récompensées l’initiative de Dupuis, l’aide de Mgr Puginier : à la première difficulté, le gouverneur de la Cochinchine recula devant la crainte d’une affaire.
Le traité ambigu du 15 mars 1874 consacra notre échec aux yeux des populations comme des gouvernements chinois et annamites. La Chine put en paix, parfois avec notre aide, régler tour à tour les affaires de Formose, de l’assassinat de Margary, de l’occupation de Kouldja. Quand, à partir de 1879, des ministres soucieux du rôle extérieur de la France voulurent mettre fin, sur le fleuve Rouge, à une situation devenue intolérable, les difficultés s’étaient accrues de la fatuité inspirée aux Chinois par leurs succès diplomatiques, de l’apparence de force ainsi prêtée à l’Empire. En France, l’opinion publique ignorante, les représentants du pays, en partie dédaigneux de la politique extérieure, interdisaient un effort considérable, seul fructueux ; le manque d’accord des départements ministériels, la méfiance du gouvernement envers ses agents et informateurs spéciaux, la foi exagérée dans les intermédiaires de rencontre, dans quelques Chinois même, divisèrent les négociations, dirigèrent l’attaque sur des points médiocrement sensibles, traînèrent l’affaire en longueur. La compétence, l’unité de vues manquaient. Il fallut la foi et la fermeté de Jules Ferry, la vaillance de nos marins, l’intelligence des Asiatiques montrée par les plus énergiques de nos négociateurs, pour terminer heureusement ce trop long conflit.
Du moins, la conquête du Tonkin, l’organisation de l’Indo-Chine française nous ont donné, à la porte de la Chine, le point d’appui désiré trop mollement par Guizot ; les Pescadores eussent complété notre établissement ; l’occasion, deux fois perdue, ne reviendra pas. Ce détail montre que, si notre ligne politique est aujourd’hui plus suivie, elle manque encore de fermeté. Le service rendu à la Chine lors de la rétrocession du Liao-tong nous a donné une influence que nous n’avions plus depuis longtemps, nous a permis de régler nombre de questions pendantes et d’obtenir part dans l’exploitation entamée de l’Empire. Le développement des relations économiques, dont la Mission lyonnaise de 1895-1897 marque une phase, n’est pas méprisable. Il faut nous demander toutefois si nous exerçons