qu’on en puisse attendre quelque chose. Aussi bien, ce qu’il faut désirer, ce n’est pas un bouleversement total : à la chute de toutes les formes sociales actuelles, notre commerce n’a qu’à perdre ; cette ruine immense ébranlerait l’univers, et d’abord les voisins de la Chine, la France asiatique au premier rang. Nous devons au contraire, dans la mesure du possible, travailler à faire une Chine plus ordonnée, plus ouverte à la coopération des forces matérielles et morales de l’Occident et de l’Extrême-Orient. Or, si la classe commerçante est notre auxiliaire-née, malgré sa valeur que j’ai autre part cherché à établir, elle n’est prête, ni par son passé ni par son éducation, à diriger les affaires publiques. Les paysans en sont encore moins capables. Chacun peut se plaindre du mandarin de son district : mais chacun vénère les mandarins et en eux se contemple lui-même avec orgueil, puisque son propre fils peut entrer dans cette aristocratie. Il faut utiliser, perfectionner, non détruire cette force sociale ; l’éducation présente des mandarins forme souvent des hommes d’intelligence fine et élevée, mais étroite ; il en est d’intègres, tels Tchang Tchi-tong, Lieou Khoen-yi, Tshen Tchhoen-hiuen ; il faut seulement aux études morales ajouter des études scientifiques et précises, mettre les esprits imbus d’une psychologie formaliste en contact avec les réalités de la nature et de l’humanité. Tel est le but où tend le mouvement actuel : nous, étrangers, avons à favoriser cette marche, et aussi à persuader aux mandarins que nous ne sommes par les ennemis de leur juste influence, mais de leur ignorance et de leurs préjugés.
Quant aux particuliers, grands et petits, ils ont beaucoup souffert dans les provinces où a sévi la crise ; ceux qui possédaient quelque chose, partisans du calme et n’ayant au cœur aucune haine contre l’étranger, ont été pillés par les Boxeurs, par les troupes impériales, par les armées alliées : ruinés, ils sont devenus, par esprit de vengeance et sous l’aiguillon de la faim, des fauteurs de désordre : ils constituent ces bandes appelées Lien-tchoang-hoei, qui, au Tchi-li et en Mantchourie, attaquent les villages, coupent les communications ; ils font retomber surtout leur haine sur les étrangers, sur les chrétiens qu’ils accusent de tous leurs maux. La situation est donc précaire dans le nord-est, moins toutefois qu’en 1861, après la guerre étrangère et avec les révoltes intérieures après cette date, et malgré des troubles locaux parfois graves, la paix générale a régné près de quarante ans : pourquoi augurer plus mal aujourd’hui ? Dans le reste de l’Empire, les troubles du nord n’ont guère eu de réper-