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Il serait trop facile de relever encore de nombreuses analogies entre Malherbe et son compatriote Montchrestien (qu’il a peut-être mieux connu qu’il ne voudrait le faire croire[1]), non seulement dans les idées, qu’ils prennent souvent aux mêmes sources, mais aussi dans la forme. Le poète tragique ressemble souvent « à s’y méprendre », comme l’a dit M. Brunot, à Malherbe. Il avait notamment fait avant Malherbe son « N’espérons plus, mon âme » :

Cessons, pauvres humains,
De concevoir tant d’espérances vaines,
Puisqu’ainsi tost les grandeurs plus certaines
Tombent hors de nos mains[2].

Tout avait été dit par Montchrestien, par Ronsard, par du Bellay, par Desportes et vingt autres : tout était dit, et si Malherbe ne venait pas trop tard, c’est sans doute que l’essentiel était non de dire autre chose, mais de parler en termes plus soignés : il fallait « arranger les mots et les syllabes ».

  1. Malherbe, III, 556 (lettre du 14 octobre 1621) : « Il a fait un livre de tragédies en vers françois ; je crois que c’étoit ce qui lui avoit donné sujet de me venir voir deux ou trois fois. Il étoit homme d’esprit et de courage. Je me trompe ou il donna en ce même temps-là un livre in-4o de sa façon, assez gros, à Monsieur le garde des sceaux, et me semble que le sujet de son livre étoit du commerce, ou de quelque chose pareille. » — Ailleurs Malherbe (IV, 41, 2 août 1618) dit que Montchrestien lui a parlé « non une fois ou deux, mais une douzaine ». — Voy. la note de M. Schultz-Gora, déjà citée, dans la Zeitschrift für franzosische Sprache und Litteratur, 1903. — Cf. Brunot, p. 49.
  2. Montchrestien, Tragédies, éd. elzév., p. 126.