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met encore dans la bouche d’une de ses héroïnes les vers fameux du doux poète :

Félicité passée…[1]

Malherbe a dû les prononcer parfois, et bien d’autres vers du même auteur : Bertaut somme « sa belle âme » de dire oui ou non de la même façon que Malherbe écrit, « à une dame qui le payait de promesses » ; il dit comme disent et comme diront tous les poètes d’alors que « sa folie est belle »; il parle « des esprits abusés d’une vaine espérance[2] » comme Malherbe.

Les mêmes situations se présentent des deux côtés parfois avec les mêmes rimes :

… presque évanoui je tombai sur la place,
En pâleur une pierre, en froideur de la glace[3].
À ces mots tombant sur la place,
Transi d’une mortelle glace,
Alcandre cessa de parler[4].

Beaucoup d’expressions de Bertaut sont aussi dans Malherbe, et des vers plus retentissants que d’habitude font songer à tel vers de la Prière pour le roi allant en Limousin :

Icy ce bruit tonnant dont on oit nos tambours
Changer le guet des nuits à la garde des jours[5].

Mais Bertaut était surtout « retenu », comme dit Boileau ; il importait d’avoir le ton soutenu : c’est ce qu’allait faire Malherbe, en attendant Corneille.

  1. Entretien de Ninon de l’Enclos et de Madame de Maintenon.
  2. Bertaut (éd. elz.), p. 97.
  3. Bertaut, cf. Introduction, p. XXIX.
  4. Malh., I, 154.
  5. Bertaut, p. 97. Cf. Malh., I, 72, v. 63 et 66.