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Avant la nuit venue accomplit sa journée[1],


et qu’un personnage de Desportes disait :

la destinée
M’a fait dès mon aurore accomplir ma journée[2].

Dans les rares passages qui vaillent d’être relevés dans son poème, Malherbe continue donc les poètes du XVIe siècle ; il les continue dans toute son œuvre d’une façon bien plus frappante en ce qui concerne le pétrarquisme, et on peut encore lui appliquer tous les traits railleurs que du Bellay lançait aux pétrarquistes de son temps[3] : ils n’ont pas plus tué, ou plutôt ils ont arrêté beaucoup moins les poètes amoureux que les railleries de Musset n’ont fait les « rêveurs à nacelles, les amants de la nuit, des lacs, des cascatelles ». C’est que vraiment il n’y avait pas moyen, et pour Malherbe moins que pour un autre, de ne pas se ressentir de Pétrarque en parlant d’amour :

Lui seul eut le secret de saisir au passage
Les battements du cœur qui durent un moment,
Et riche d’un sourire il en gravait l’image
Du bout d’un stylet d’or sur un pur diamant.

J’ai le cœur de Pétrarque et n’ai point son génie[4].


C’est ainsi que Musset parlait de l’amant de Laure, en un

  1. Ronsard, t. IV, p. 20 (éd. Blanchemain).
  2. Desportes, p. 321.
  3. Ces fameux vers, À une dame, sont bien connus et ont été souvent cités et expliqués. Voy. du Bellay, éd. Marty-Laveaux, t. II, p. 336, Chamard, Joachim du Bellay, p. 186, et n. 6, Faguet (Revue des Cours et Conférences, 1893-94).
  4. A. de Musset, Le fils du Titien (Poésies nouvelles).