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quod libet licet[1] » ; il aime les proverbes latins, soit qu’il les répète : « ad impossibile nemo tenetur[2] », soit qu’il les traduise : « il vaut mieux se taire que de rien écrire de ceux qui peuvent proscrire[3] » ; « la voix du peuple est la voix de Dieu[4] », ou qu’il les mette même en vers :

Je vais bien éprouver qu’un déplaisir extrême
Est toujours à la fin d’un extrême plaisir[5].


Il est pénétré de la philosophie antique et des souvenirs mythologiques. L’idée de la Fortune, qu’on avait reprochée comme payenne à Montaigne, revient sans cesse dans ses lettres et ses vers. Il ne saurait parler de la prospérité publique sans songer « au siècle doré[6] », « au siècle où Saturne fut maître[7] », de mariage sans montrer Hymen « en habillement blanc[8] » et accoutré comme dans Desportes, ou « en robe d’or[9] »; il ne saurait

  1. III, 326.
  2. III, 297.
  3. Malh., IV, 266 ; Macrobe, Sat., II, 4, 21 : Temporibus triumviralibus Pollo, cum fescenninos in eum Augustus scripsisset, ait : At ego tacco, non est enim facile in eum scribere qui potest proscribere. Il est très probable que Malherbe a connu Macrobe, fort répandu en France dès le moyen âge, et souvent cité par Montaigne et Rabelais.
  4. IV, 74.
  5. I, 134 : Extrema gaudii luctus occupat. C’était aussi une habitude de Régnier d’enchâsser des proverbes dans ses vers (v. l’édition de Macette par les élèves de M. Brunot, Introd., p. XXXIX et XL). Le mot de Malherbe sur l’impossibilité de changer le genre d’un mot (Racan, LXXIX) est pris aux anciens comme celui de Du Perron (Brunot, o. c., p. 180 et 181).
  6. I, 235.
  7. I, 200.
  8. À propos de Geneviève Rouxel, dans des vers d’ailleurs imités des vers latins de Rouxel (Gasté, o. c., p. 42).
  9. I, 180. Cf. encore « le blond hyménée » (I, 112).