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Bientôt le blé tombe à faucilles pleines ;
La javelle, où bruit un essaim de grillons
S’entasse en rangs pressés au revers des sillons,
Dont le creux disparaît sous l’épaisse jonchée ;
Chaque travailleur s’ouvre une large tranchée ;
Et, sous l’effort commun, le sol transfiguré
Laisse choir tout un pan de son manteau doré.


Le soir arrive enfin, mais les gerbes sont prêtes ;
On en charge à pleins bords les rustiques charrettes
Dont l’essieu va ployant sous le noble fardeau ;
Puis, presque recueilli, le front ruisselant d’eau,
Pendant que, stupéfait, l’enfant de la savane
Regarde défiler l’étrange caravane
Et s’étonne à l’aspect de ces apprêts nouveaux,
Hébert, qui suit, ému, le pas de ses chevaux[1],
Rentre, offrant à Celui qui donne l’abondance,
La première moisson de la Nouvelle-France[2].


L’année même de son arrivée, Louis Hébert donna en mariage, Anne, sa fille aînée, au sieur Étienne Jonquest, colon originaire de Normandie. Le Père Le Caron reçut les serments des jeunes époux. Ce fut le premier mariage au Canada. Cette union fut de courte durée. Bientôt le deuil entra dans la demeure du premier colon. Quelques mois plus tard, en effet, Anne Hébert mourut. Cette tombe venait à peine de se refermer, que la mort réclama une nouvelle victime dans la personne d’Étienne Jonquest. Ces jeunes époux, encore pleins d’espérance, furent moissonnés au milieu de leur bonheur.

Louis Hébert et son épouse furent profondément attristés par ces deuils. Mais ils puisèrent dans leur

  1. Il n’y avait pas de chevaux dans la colonie à cette époque.
  2. Louis Fréchette. La légende d’un peuple.