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tendre directement avec les dirigeants de l’Exposition de Saint-Louis, en vue du nouveau programme des Jeux. Le plus simple eût été sans doute d’exécuter sans y rien changer l’admirable programme rédigé par le Comité de Chicago. Mais demander aux gens de Saint-Louis de paraître accepter ainsi la tutelle des gens de Chicago, c’eût été vraiment bien de l’audace ! Dans ces conjonctures, provoquer l’intervention de l’Amateur Athletic Union me parut le procédé le plus sûr et le plus prompt tout ensemble. Les 10, 11 et 12 août 1903, une délégation de l’A. A. U. conféra à Saint-Louis, avec le nouveau directeur du « Physical Culture Department » de la World’s Fair lequel n’était autre que M. James E. Sullivan, maintenant très zélé pour nos Jeux et très empressé de travailler au succès de la troisième Olympiade.

Je dirai tout de suite que son labeur fut immense et le succès qu’il obtint considérable. Malheureusement un nombre relativement restreint d’athlètes européens passèrent l’océan. Les frais élevés du voyage et du séjour ne permettaient en aucun cas de compter sur de très fortes équipes. Mais il est certain que la querelle Chicago-Saint-Louis et les hésitations qui en résultèrent diminuèrent encore le chiffre des bonnes volontés.

Les Jeux de Saint-Louis ne manquèrent pas d’originalité. Le « clou », si l’on peut ainsi s’exprimer, fut sans contredit ce que les Américains nommèrent en leur pittoresque langage l’« anthropological day » ; jour qui dura d’ailleurs quarante-huit heures. Au cours de ces réunions sportives inédites, on vit se mesurer dans le Stade des Indiens Sioux et Patagons, des Cocopas du Mexique, des Moros des Philippines et des Ainus du Japon, des Pygmées d’Afrique, des Syriens et des Turcs — ces derniers peu flattés sans doute du voisinage. Tous ces hommes se disputèrent les épreuves habituelles des civilisés, courses à pied, lutte à la corde, lancement du poids et du javelot, sauts, tir à l’arc. Nulle part ailleurs qu’en Amérique on n’eût osé faire entrer dans le programme d’une olympiade de pareils numéros. Mais aux Américains tout est permis ; leur juvénile entrain disposa certainement à l’indulgence les ombres des grands ancêtres hellènes, si d’aventure elles vinrent errer à ce moment parmi la foule amusée.