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le rêve de la grèce

cérébrale et du progrès de l’esprit. Pourquoi les Mécènes de l’hellénisme moderne ont-ils, dans leurs libéralités, oublié l’université d’Athènes ? Elle devrait être déjà la première du monde ; de toutes parts, on devrait aspirer à recevoir son enseignement et regarder un stage sous ses portiques comme le couronnement suprême d’une éducation intégrale. Ses publications devraient courir l’univers ; l’enseignement de ses historiens devrait faire loi et les découvertes de ses savants, fixer l’attention. Elle devrait joindre en un lumineux faisceau les patientes recherches de l’archéologie avec les tâtonnements inquiets de la sociologie, les laborieuses descentes dans le passé avec les audacieuses incursions vers l’avenir.

Que nous sommes loin d’un pareil idéal et combien nous mesurons la distance qui nous en sépare lorsque le télégraphe apporte la nouvelle d’une révolte d’étudiants athéniens, indignés qu’on ose traduire leurs Évangiles en langue vulgaire ! Loin de moi la pensée de les blâmer. Quiconque ignore la Grèce moderne, les difficultés contre lesquelles elle a eu à se débattre, les périls multiples qui l’ont menacée ne comprendra rien à un problème de cet ordre. Celui-là a des dessous respectables. Il n’en est pas moins exclusivement national et l’incident prouve que l’université d’Athènes limite ses soucis et ses besoins à ceux — immédiats et bornés — de sa population scolaire actuelle. Ce n’est pas là le rôle qui lui convient.

Ce rôle, nous l’avons défini tout à l’heure : il est international au premier chef. Voilà peut-être de quoi inquiéter de bons Hellènes, prompts à se décerner parfois certains éloges immérités mais oublieux aussi des forces dont ils disposent. Certes, les nationalités ont l’obligation de se défendre puisque les conditions matérielles de la vie collective les incitent à se dévorer réciproquement. Il en est une pourtant qui demeure à l’abri des atteintes parce qu’elle est supérieure aux compétitions. On a bien souvent répété — sans toujours réfléchir à quel point ce mot est vrai — que l’homme cultivé montant au Parthénon accom-