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maison de poupée…

moderne un usage aussi fréquent qu’inconsidéré ; le sens s’en est trouvé de la sorte tout à fait faussé. Chacun sait que, dans tel pays de l’Europe orientale, les radicaux sont une manière de conservateurs-nationalistes. En France, ils se sont montrés jusqu’ici souples d’échine, toujours prêts à céder devant les injonctions des partis plus avancés et à leur sacrifier leurs principes directeurs. À présent que voici le radicalisme français acculé par l’audace socialiste à la barrière de la propriété individuelle, nous allons voir si ses adeptes sont capables d’une résistance quelconque ou bien si, quelques-uns ayant sauté, le reste ne se débandera pas.

L’esprit radical norvégien n’a rien de commun avec l’esprit de ces hommes ; l’intransigeance qui s’en dégage ne réside pas dans les apparences et dans les formules ; elle est absolue ; elle s’étend à toutes les manifestations de la pensée. En un mot elle n’est pas politique, elle est mentale. Cela ne veut pas dire que les Norvégiens ne soient pas susceptibles de retenue et de patience. On les a souvent dépeints comme des gens impatients. Grave erreur. D’abord ils sont persévérants et la vraie persévérance ne va pas sans patience ; et puis n’oublions pas qu’ils ont fait leurs preuves à cet égard. Certes la volonté de se rendre indépendants du joug suédois date chez eux de bien loin et nul ne peut leur reprocher d’avoir rien brusqué au cours de leur querelle avec l’État voisin ; ils ont laissé évoluer le conflit avec une sagesse et un sang-froid dont il est juste et naturel qu’ils recueillent le fruit au regard de l’opinion universelle. Mais ce conflit, ils l’ont en même temps empêché de s’apaiser ; ils l’ont entretenu comme on entretient le feu bûche par bûche. Or, on aimerait à sentir à l’heure actuelle une sorte de détente s’opérer chez eux. L’homme normal se repose le septième jour. Lorsqu’il a atteint un résultat dû à des efforts successifs, un arrêt de la machine s’opère en lui ; avant d’entamer une nouvelle période d’efforts, quelque immobilité survient qui délasse et permet à la Force de s’emmagasiner pour