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regrets et espérances

Tels sont les motifs de regret que doivent nous inspirer les arrangements franco-anglais. En regard il convient de placer les perspectives importantes qui s’ouvrent par la possibilité désormais assurée au gouvernement de la République française de s’employer à rapprocher l’une de l’autre l’Angleterre et la Russie.

L’œuvre jusqu’ici semblait hors de portée, non pas qu’elle ne répondît aux vœux secrets qu’entretiennent depuis longtemps, à Londres comme à Pétersbourg, le sentiment de la sécurité véritable et le souci des intérêts bien entendus. Des années ont passé depuis le jour où Cecil Rhodes, au cours d’une rapide visite au quai d’Orsay, indiquait à notre ministre des affaires étrangères d’alors ce moyen certain d’asseoir la paix du monde sur des bases formidables et de replacer la France au sommet des nations. Ce qu’entrevoyait de son coup d’œil d’aigle le génial aventurier est devenu clair aux yeux des hommes politiques les plus avisés ; bientôt l’opinion le saisira à son tour.

Des difficultés, des obstacles ; il y en a certainement. N’oublions pas cependant que les difficultés fondamentales, les obstacles principaux ont déjà été tournés ou franchis par le seul jeu des événements, par la simple poussée de l’évolution générale, sans que les dirigeants aient eu à combiner d’intervention précise. Reportez-vous par la pensée à quelques années en arrière. N’eût-on point traité d’utopique tout calcul reposant sur un abandon par l’Angleterre de son insularisme traditionnel et sur un règlement amical de ses difficultés avec la France ? Ces choses auraient paru quasi impossibles, — elles sont accomplies pourtant.

Mais, dira-t-on, en admettant même que l’alliance anglo-franco-russe soit réalisable, l’heure n’est guère propice d’en parler. Le pensez-vous vraiment ?… La guerre qui a éclaté en Extrême-Orient a placé les belligérants aussi bien que