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les premières années

semblable que le comte de Chambord cédât. En effet, il déclara, dans une lettre célèbre, qu’il s’en tenait au drapeau blanc et fit évanouir ainsi le rêve de restauration que ses fidèles avaient conçu.

Une légende s’est formée à ce sujet. On a représenté le prince comme une victime de la maladresse de son entourage, comme n’ayant pas su se rendre compte par lui-même de l’état de la France. Il est permis de se demander aujourd’hui si, tout au contraire, il n’a pas aperçu, beaucoup plus clairement que ses partisans, l’ensemble des choses, ainsi qu’il arrive souvent à ceux qui regardent de loin et de haut. Quelques critiques qu’ait méritées son programme exposé en un magnifique langage, mais d’une façon bien vague, dans ses lettres et ses mani- festes, on ne peut méconnaître que le comte de Chambord ne se soit fait de sa mission une conception à la fois très haute et très juste. Il voulait être le roi de tous et préférait ne pas régner que de régner, comme Charles x, Louis-Philippe et Napoléon iii, sur une fraction de la nation. Il devinait ce besoin d’entente, d’union et d’apaisement qui s’est fait jour depuis. À aucun prix il ne voulait être une combinaison, sentant fort bien que le temps des combinaisons était passé, et que rien de durable ne pouvait se fonder désormais en dehors du consentement unanime, libre et réfléchi, des masses profondes de la nation. Ce consentement n’existait pas. Peut-être le comte de Chambord conserva-t-il l’espoir qu’il existerait un jour[1]; mais cette

  1. Sa préoccupation ultérieure semble avoir été de réserver l’avenir ; à plusieurs reprises, il engagea ses partisans à ne pas l’enchaîner par leurs actes.