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les premières années

Quant aux dépêches, elles passaient toutes sous ses yeux. Il voulait savoir, minute par minute, l’état de la France et celui de l’Europe. « Tant que Jules Favre fut ministre des affaires étrangères, dit M. Jules Simon[1], il le logea chez lui pour avoir plus vite les nouvelles sous la main : il avait tous les jours des conférences avec le ministre de l’intérieur, le ministre des finances. Il faisait venir le gouverneur de la Banque, les grands financiers[2]. » On le voit, l’ancien ministre de Louis-Philippe, devenu chef de l’État, ne pratiquait pas la maxime célèbre avec laquelle il avait paralysé l’initiative gouvernementale de son souverain : « Le roi règne et ne gouverne pas. » C’était pourtant à l’abri de ce principe, qui cache sous son apparent illogisme une sagesse profonde, que la présidence de la République devait acquérir le prestige dont elle a bénéficié par la suite.

Il ne paraît pas certain, malgré tout ce qu’on a dit pour le prouver, que M. Thiers ait conçu, dès le début, le ferme propos d’établir la République. C’était là évidemment une des solutions auxquelles s’arrêtait son esprit ; mais ce n’était pas la seule, et tout indique que les monarchistes, en lui refusant sans cesse les moyens de gouverner, lui inspirèrent la résolution de chercher dans une République définitive l’appui que ne lui donnait pas la République provisoire. Cette solution, d’ailleurs, s’imposait à bien des

  1. Jules Simon, Le gouvernement de M. Thiers.
  2. « Deux ministères seulement restaient en dehors de son ingérence et de sa surveillance, ajoute spirituellement M. Jules Simon : la justice, parce qu’il ne fait pas bon se mêler des affaires de M. Dufaure ; l’instruction publique et les cultes, parce qu’il se reposait pour ces deux points sur la prudence et la compétence du ministre. »