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de la république.

providentiel. Il ne s’apercevait pas qu’il avait cessé d’être cet homme providentiel depuis que la vie nationale avait repris son cours normal. On l’entretenait, il est vrai, dans une dangereuse illusion en recourant à lui en toutes circonstances, comme on eût fait pour un dictateur. Des élections d’un caractère un peu avancé ayant eu lieu coup sur coup dans le Nord, la Somme et l’Yonne, un cortège de délégués appartenant aux diverses nuances de la droite s’en vint solennellement trouver le chef de l’État, à la préfecture de Versailles, pour l’inviter à prendre des « mesures préservatrices ». La République de M. Thiers était donc, au premier chef, un gouvernement personnel.

Le 19 janvier 1872, l’Assemblée s’étant refusée à sanctionner le principe de l’impôt sur les matières premières, le chef de l’État donna sa démission ; il fallut qu’un nouveau vote annulât le précédent, et que les députés tentassent auprès de. M. Thiers une démarche qui ressemblait à un acte de contrition. Un peu plus tard vint la loi de réorganisation militaire. Il s’y intéressa activement et en discuta les articles avec passion. Pour tout ce qui concernait l’armée, ses prétentions habituelles s’exagéraient encore[1] de ce que ses travaux historiques lui avaient appris sur la stratégie napoléonienne. « Il s’occupait minutieusement de tous les détails de l’administration de la guerre ; l’armée de Paris ne faisait pas un mouvement sans ses ordres[2]. »

  1. On prête au général Le Flô, ministre de la guerre, ce mot charmant d’ironie : « Les connaissances militaires de M. Thiers sont une gêne considérable par les égards qu’elles exigent et les susceptibilités qu’elles engendrent. »
  2. Jules Simon, Le gouvernement de M. Thiers.