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la question sociale.

groupe compact au sein du parlement français, il existait des commis voyageurs en grèves, toujours prêts à se diriger vers le lieu où un conflit menaçait d’éclater. Le type célèbre du carpet-bagger, créé dans les États sudistes d’Amérique par l’émancipation des nègres, s’est trouvé reproduit chez nous avec la différence que le carpet-bagger français était souvent un convaincu et glissait parfois un bon conseil au milieu de beaucoup de mauvais.

La grève même la plus anodine doit être rangée parmi les moyens violents, parce qu’elle cause toujours quelque dommage. Mais elle n’est pas toujours anodine ; elle a provoqué de véritables désastres financiers qui ont atteint des innocents ; elle a même occasionné de plus grands malheurs, crimes individuels, répression barbare, etc. La gamme de la violence va s’élevant jusqu’à la « propagande par le fait » chère aux anarchistes. Qu’en théorie il existe une antinomie entre la conception anarchiste, dans laquelle il n’y a plus d’État, et la conception collectiviste, dans laquelle l’État est tout, nul n’y contredit. Mais on a quelque peine à démontrer la non-existence, dans la pratique, d’un lien entre les collectivistes et les anarchistes. M. Herbert Spencer l’a dit : les doctrines communistes peuvent déterminer « un retour à la lutte pour l’existence telle qu’elle a lieu parmi les brutes[1] ». Il semble qu’une presse anarchiste existât dès l’époque des explosions de Montceau-les-Mines (septembre 1882). Le procès du prince Kropotkine et des « compagnons » impliqués dans les poursuites le prouva. On s’entraînait déjà en vue de faire sauter

  1. Lettre adressée au Figaro, en date du 24 janvier 1894.