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de la république.

demandaient si le pays allait demeurer compact et redoutaient de voir apparaître à sa surface des lézardes profondes, symptômes d’un désagrégement. Aujourd’hui, la guerre de 1870 et les événements qui l’ont suivie ne nous apparaissent plus que comme une crise violente, mais passagère, et non la plus violente ni la plus dangereuse que la France ait subie : il faut se reporter par la pensée à cette époque troublée pour comprendre l’état d’esprit de ceux qui venaient de la traverser et l’ébranlement terrible qu’ils en conservaient.

Cette seconde partie de la crise avait signalé des ruines morales, venant s’ajouter aux ruines matérielles et rendant plus difficile encore l’œuvre de reconstruction. On vit clairement qu’il manquait à la France « la première condition de tout État libre, le plus simple sentiment de la loi ». Il y avait chez tous « un véritable déchaînement de fantaisies individuelles, un besoin effréné de faire ce qu’on n’a pas le droit de faire[1] », produit de cet isolement systématique entre citoyens, de ces théories individualistes, établis et propagés par l’Empire, lequel y trouvait son avantage. À un autre point de vue, la guerre civile mettait tragiquement à nu « ce travail de démoralisation qui s’accomplissait au sein de la société. On le soupçonnait à peine. La France vivait en haut de luxe, de bien-être et de plaisirs équivoques, pendant que se développaient, en bas, ces idées d’un matérialisme abject, ces convoitises et ces haines confuses qui ont affaibli le sens de la patrie autant que le sens moral[2]. » On en rendait responsable l’In-

  1. Ch. de Mazade, Revue des Deux Mondes, Chronique.
  2. Id.