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les idées et les mœurs.

démenti les pronostics de nos détracteurs. Les pages qui précèdent contiennent le récit d’événements bien faits pour les dérouter ; le plus illustre d’entre eux, le prince de Bismarck, s’y est trompé tout le premier, et il suffit de parcourir les principaux organes de l’opinion étrangère pour relever des appréciations dont les faits n’ont guère tardé à souligner l’inexactitude. Mais lorsqu’il s’agit des mœurs privées, la preuve est plus difficile à faire. On ne peut le tenter qu’indirectement en jetant un rapide coup d’œil sur l’évolution subie depuis vingt-cinq ans par ces grands propagateurs d’erreur ou de vérité, le livre et le journal, et par cette institution fondamentale de la nation moderne, la famille.

Il est superflu de rappeler les beautés et l’ampleur du patrimoine littéraire de la France ; mais il n’est pas inutile de faire observer que les derniers siècles nous ont appris à parler et à écrire plutôt qu’à penser. À cet égard des traditions précises nous sont restées. Le culte de la forme ne comble, chez nous, que des fidèles. Les sujets ont varié d’une époque à une autre : le souci d’en faire un exposé délicat, élégant, disert, est demeuré presque invariable. C’est là une parenté commune entre les œuvres si différentes produites par le génie français que l’extrême noblesse et l’extrême mesquinerie ont inspiré tour à tour. Le duel des grands sentiments et des petites passions est caractéristique de la littérature française ; il a repris, il y a soixante ans, avec une intensité fiévreuse. Sous la monarchie de Juillet, la lutte fut âpre. L’état de la science demeurait stationnaire ; les idées fécondes et les ardeurs généreuses étaient comprimées ; de grands esprits se révol-