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lui révéler à l’avance[1] ». Énervée par les souffrances et les angoisses, elle ne sut pas se soustraire à l’action d’un état-major de désœuvrés cosmopolites, criminels ou déséquilibrés qui cherchaient à exploiter une situation sans précédent dans l’histoire moderne. Une défaillance de l’autorité[2] leur avait livré Paris ; il fallut cerner la capitale et s’en emparer par la force.

Le pays, retrempé et fortifié par ses récents malheurs, se groupait résolument autour de M. Thiers. L’armée remplit sans hésitation[3] sa pénible mission. Quelques députés et conseillers municipaux voulurent provoquer la réunion à Bordeaux d’une sorte de congrès des municipalités urbaines qui eût exercé un arbitrage entre Paris et Versailles. Mais le gouvernement repoussa cette dangereuse proposition et interdit la manifestation. Elle n’était pas née uniquement du désir de certains radicaux de s’appuyer sur les villes pour contre-balancer l’influence de ceux qu’on appelait les « Versaillais » et qu’ils trouvaient, eux, trop « ruraux ». Beaucoup de gens, que la chute de la Commune devait éclairer sur ses origines et ses tendances, se méprenaient sur sa portée. Cette lutte entre citoyens d’une même nation leur semblait devoir causer une première fissure dans l’unité de la France ; après le choc, ils se

  1. Dépositions de M. Jules Ferry sur le 18 mars, devant la commission d’enquête.
  2. Voir les dépêches échangées pendant la journée du 18 mars entre M. Jules Ferry, maire de Paris, le général Velentin, préfet de police, et les ministres. Malgré Jules Ferry qui tenait énergiquement dans l’Hôtel de ville et en sortit le dernier, les casernes, la préfecture de police et enfin l’Hôtel de ville lui-même furent successivement évacués sur l’ordre incompréhensible donné et plusieurs fois répété par le général Vinoy.
  3. Les troupes avaient, au 18 mars, fraternisé sur plusieurs points avec les insurgés.