Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/331

Cette page n’a pas encore été corrigée
310
la république et l’église.

accorder un jour des droits égaux à toutes les religions de l’Empire[1]. » Si la tolérance a été si longue à s’établir dans la société, il n’est pas surprenant qu’elle ait tant tardé à prendre possession des cœurs. Nous sommes revenus à l’époque de l’édit de Milan[2], où « il s’était formé un parti composé de gens modérés, humains, amis de la paix religieuse et qui auraient voulu qu’on pût comprendre le christianisme dans cette sorte de fusion de tous les cultes qui s’était faite à Rome depuis l’Empire[3] » et pour laquelle, cherchant un terme qui pût convenir à tous, on employait le mot : divinitas.

Voilà donc un premier point : l’évolution se déroulera-t-elle jusqu’au bout, amenant d’incalculables conséquences[4], ou bien ne constituera-t-elle qu’une tentative généreuse, utopique, destinée à avorter ? D’autres interrogations se posent encore. En France, Léon xiii a-t-il bien atteint son but qui était de séparer la religion de la politique ? N’a-t-il pas plutôt séparé la religion d’avec la monarchie pour l’inféoder à la République parlementaire ? Le Concordat et les mœurs qui ont pris racine depuis qu’il est en vigueur ne permettent guère une véritable émancipation de la religion, telle qu’elle s’est opérée aux États-Unis.

  1. Gaston Boissier, La fin du paganisme, t. i.
  2. Rendu par Constantin (juin 313),
  3. Gaston Boissier, La fin du paganisme.
  4. À ceux qui objecteraient que les derniers dogmes catholiques sont incompatibles avec cette évolution de la pensée pontificale, on doit rappeler que le concile du Vatican (1870) a été ouvert et suspendu, mais non fermé par Pie ix, et qu’il lui reste à compléter par l’adoption du schéma De Episcopis le schéma De Summo Pontifice, qui a placé le Souverain Pontife au-dessus du corps entier des évêques et de toute l’Église. (E. Spuller, L’évolution sociale et politique de l’Église.) Il se pourrait donc que l’œuvre du concile fût reprise et modifiée dans l’avenir.