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la république et l’église.

messe. La religion véritablement logique exclurait toute idée de culte et ne consisterait qu’en un ensemble de règles pour bien vivre. Au delà, on atteint les régions sereines de la religion philosophique. Ceux qui les habitent se gardent d’en appeler à leur raison, qu’ils sentent faible, vacillante, imparfaite ; ils estiment que la grandeur de l’esprit humain réside dans son perpétuel effort pour monter vers la lumière, et non dans de pauvres résultats laborieusement amassés ; ils n’osent penser que le monde d’au delà puisse être soumis aux lois qui gouvernent l’humanité. Le culte, pour eux, passe au rang secondaire. Sans doute on a prétendu que, si haute que soit l’intelligence d’un homme, si vigoureux que soit son génie, si étendues que soient ses connaissances, il demeure aussi éloigné de la divinité que le plus ignorant et le moins doué de ses frères ; il ne s’est pas plus rapproché de Dieu, dit-on, qu’on ne se rapproche du soleil en montant sur une colline ; il est toujours l’être infime, le « ver de terre » auquel l’Écriture prodigue les humiliations et rappelle sans cesse la faiblesse de sa nature. Mais, en réalité, la science est une route divine où chaque borne franchie rapproche de l’Être suprême et le fait concevoir plus parfaitement. La route est longue, indéfinie, mais les distances parcourues peuvent compter. L’œil du savant saisit et perçoit ce que l’homme ordinaire ne perçoit ni ne comprend. Son génie l’élève, selon la forte expression de saint Augustin[1], « de l’intelligence des ouvrages visibles de Dieu à celle des grandeurs invisibles ».

  1. La Cité de Dieu.