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la république et l’église.

et le duc de Broglie à s’unir pour former une société catholique d’économie sociale, destinée à contrecarrer l’action de M. de Mun et de ses partisans[1]. On ne trouve nullement dans l’encyclique Rerum novarum « une solution pratique des problèmes complexes, irritants et douloureux qui constituent ce qu’on appelle le socialisme. Le Pape y défend la propriété individuelle, l’héritage, le principe de la liberté des transactions et même l’indépendance de l’individu à l’égard de l’État[2].» Mais le fait que le chef de l’Église catholique osât aborder ce terrain dangereux était déjà un signe des temps ; d’autre part, on lui amenait des travailleurs auxquels le Vatican faisait fête ; le cardinal Langénieux, archevêque de Reims, organisait les pèlerinages ouvriers. En 1885, quelques centaines de patrons chrétiens étaient venus saluer le Pape, suivis, deux ans plus tard, par douze cents de leurs ouvriers. En 1889 et en 1891, ces manifestations s’étaient renouvelées, et, dans la basilique de Saint-Pierre, M. de Mun avait proclamé Léon xiii le « pape des ouvriers ». Dans le discours sage et réservé par lequel il avait répondu à M. de Mun, Léon xiii souhaitait « une certaine restauration du principe moral dans les problèmes relatifs à l’amélioration de la condition sociale des travailleurs[3] ». Cela coïncidait, comme le remarque M. Spuller, avec une

  1. Il est à remarquer que les fondateurs de cette société s’étaient tous plus où moins réclamés de la doctrine de l’intervention de l’État ; Mgr Freppel l’avait, en 1886, demandée avec M. de Mun, dans la question de la réglementation des heures de travail dans les ateliers ; M. Chesnelong, dans celle de l’interdiction du travail de nuit pour les femmes et les enfants ; M. Claudio Jannet et M. Keller, dans celle de l’établissement d’un repos obligatoire, le dimanche.
  2. Eug. Spuller, L’évolution sociale et politique de l’Église.
  3. Id.