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la france coloniale.

inquiets et routiniers. En attendant que les réformes déjà accomplies aient porté leurs fruits, que d’autres réformes plus considérables soient reconnues nécessaires, ne pourrait-on, sans crainte, laisser agir l’initiative et les capitaux étrangers ? L’important est de ne pas permettre que l’état de stagnation s’établisse dans une colonie, et surtout dans une colonie jeune et qui pouvait être prospère. On l’a dit : aux yeux du peuple protégé, le peuple protecteur ne peut légitimer son intervention que par l’enrichissement et la mise en valeur du pays. Il y a sans doute quelque danger à abandonner à des mains étrangères de grands espaces territoriaux ou bien la direction des principales industries[1], des plus importantes maisons de commerce ; il y a un inconvénient à ce que l’argent importé du dehors soit de l’argent étranger. Néanmoins, ce sont là des dangers auxquels on peut parer, des inconvénients qu’on arrive à neutraliser. L’important, encore une fois, c’est que la vie, la vie intense, la vie d’action, d’entreprise, de nouveauté, d’audace, circule à pleins bords à travers la colonie. En France, tous les « coloniaux » s’accordent maintenant pour

  1. Étudiant la loi de progression des diverses races qui se trouvent représentées en Algérie à l’heure actuelle, M. Tirman a calculé que dans vingt ans l’Algérie compterait 395,000 Français contre 440,000 étrangers (Italiens et Espagnols principalement) et 5 millions d’indigènes ; dans quarante ans, 710,000 Français pour 940,000 étrangers et 7 millions d’indigènes ; dans soixante ans, 1,280,000 Français contre 2 millions d’étrangers et 10 d’indigènes. L’Algérie se trouvera-t-elle compromise en tant que terre française par le fait de la prépondérance de citoyens étrangers sur son sol ? Il est permis d’en douter, du moment que ces citoyens n’auront pas tous la même nationalité et appartiendront à des pays d’origine aussi différents que l’Espagne et l’Italie. De même, il serait puéril de voir un danger dans la participation des Mauritiens à l’œuvre de colonisation à Madagascar, et d’autant mieux que ceux-ci ont conservé, sous la domination britannique, des sympathies françaises