Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/211

Cette page n’a pas encore été corrigée
190
la france coloniale.

civilisation européenne (le télégraphe et les chemins de fer ne pouvant que diminuer leur pouvoir en fortifiant celui de l’Empereur), la Chine se trouva plus fermée que jamais aux influences d’Occident. Par une sorte d’instinct les puissances évincées cherchèrent à s’établir sur des territoires limitrophes. Les Anglais jetèrent les yeux sur la Birmanie. Outre qu’avec ses montagnes riches en mines, ses plaines fertiles, ses forêts, la Birmanie pouvait devenir entre leurs mains une magnifique colonie, elle leur facilitait l’accès du Yunnam[1]. Nous avions avec le roi Thibô un traité de commerce ; une convention fut signée le 15 janvier 1885 qui confirmait et complétait la convention antérieure. Le mécontentement, en Angleterre, fut très vif, et la conquête de la Birmanie aussitôt décidée. Un ultimatum fut adressé à Mandalay, et une armée anglaise pénétra sur le territoire birman[2]. En France, on en était à une période où les coloniaux bornaient leurs ambitions au Tonkin ; il ne pouvait être question d’intervenir en Birmanie. Mais la Birmanie capturée, les Anglais ne se trouvèrent pas beaucoup plus avancés. Ils voulaient atteindre la ville chinoise de Ssu-Mao, située à la frontière du Yunnam et à l’ouest du

  1. L’Irrouaddy est navigable depuis Rangoon à son embouchure jusqu’à Bhamo situé sur la frontière méridionale du Yunnam, à 500 kilomètres au nord de Rangoon.
  2. Il est impossible de ne pas remarquer l’analogie entre l’expédition de Birmanie et celle du Tonkin : le peu d’enthousiasme de l’opinion, l’importance de la lutte, la durée des hostilités, la lenteur de la pacification interrompue par une série d’échecs, le chiffre des troupes qui prirent part aux deux expéditions, tout concourt à rendre cette analogie saisissante, jusqu’aux Dacoïts, qui jouèrent en Birmanie le rôle des Pavillons noirs au Tonkin. Sur un seul point il y a eu divergence ; en Angleterre, l’opinion demeura calme, discuta froidement l’opportunité des mesures prises, et n’entrava en rien la liberté d’action du gouvernement et de ses représentants.