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le ministère jules ferry.

Aujourd’hui, nous pouvons apprécier de sang-froid l’enchaînement des circonstances ; mais on conçoit qu’une certaine émotion ait régné, sur le moment, en présence d’une situation qui ne s’expliquait pas.

L’Europe tenait les yeux fixés sur la France ; la lutte virilement soutenue par Jules Ferry pour organiser les partis et fonder le véritable gouvernement parlementaire l’intéressait ; mais elle notait surtout avec un indicible mouvement de curiosité l’espèce de détente qui se devinait dans les relations de la France et de l’Allemagne. Déjà marquée dans les affaires de Tunisie[1], cette détente s’était accentuée à la conférence de Londres sur les affaires d’Égypte — conférence qui venait d’ailleurs de prendre fin sans résultat. Il était visible que M. de Bismarck voyait avec sympathie nos essais de colonisation ; il devenait lui-même colonial, s’emparant des Camerouns et d’Angra-Pequena, et déroutait de nouveau les diplomates par une de ces volte-face auxquelles se complaisait son génie[2]. Ce que les ennemis du ministère affectaient déjà d’appeler l’entente franco-allemande se précisa encore par la convocation de la conférence de Berlin pour la liberté commer-

  1. L’Allemagne avait été la première à renoncer à ses privilèges judiciaires et autres ; dès le printemps de 1882, elle envoyait un nouveau consul général, l’explorateur Nachtigal, qui se rendit au Bardo dans la voiture du résident général pour être présenté par lui au bey. L’Allemagne ne se contentait donc pas de nous pousser à une expédition dont les suites pouvaient tourner à son profit : elle nous soutenait après le succès, comme avant, Cette cérémonie marqua dans les annales du Protectorat ; peu après lord Granville prescrivait à son tour au consul anglais de ne s’adresser au gouvernement beylical que par l’intermédiaire du résident général de France.
  2. Cela ne l’empêcha pas d’ailleurs de se réunir, comme d’habitude, à ses collègues de Russie et d’Autriche, M. de Giers et le comte Kalnoky. L’entrevue eut lieu le 15 septembre 1884, à Skiernievice (Pologne russe).