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le ministère jules ferry.

rait écrire, sur la Chambre de 1881, un piquant chapitre de psychologie parlementaire. L’histoire dira d’elle qu’elle ne sut jamais comprendre ni seconder de son plein gré l’homme qui incarnait le mieux les sentiments de la majorité de ses membres.

Les instincts coloniaux s’étant peu à peu réveillés, des crédits demandés pour Madagascar furent accordés sans trop d’hésitations ; par contre, on aurait eu des tendances à lâcher la proie pour l’ombre, à abandonner le Tonkin pour intervenir en Égypte. Le Tonkin était trop loin ; on n’y suivait les mouvements de nos troupes qu’à travers les informations fantaisistes de chroniqueurs mal préparés à guider le public. La surprise de Bac-Lé, le bombardement de Kelung causèrent de l’émotion à Paris ; le départ de Shanghaï des plénipotentiaires chinois (18 août 1884) et l’ultimatum déposé par M. Patenôtre, laissèrent entrevoir une guerre générale et sans merci entre la France et la Chine. Faute de savoir ce qu’était la rivière Min et de quelle façon elle était défendue, on n’apprécia pas tout d’abord l’admirable fait d’armes accompli par l’amiral Courbet à Fou-Tcheou. On eût dit qu’entre le Tonkin et Paris toutes les proportions se faussaient, toutes les craintes s’exagéraient, tous les jugements déviaient. Un seul fait dominait la situation, brutal celui-là et clair à tous les regards : la France était en guerre avec une grande puissance sans que le Parlement eût été appelé à donner son avis[1].

  1. À la nouvelle de la prise de Fou-Tcheou, M. Barodet, président du groupe de l’extrême gauche, écrivit au Président de la République, réclamant la convocation immédiate du Parlement. M. Grévy répondit d’une manière strictement constitutionnelle qu’il transmettrait la lettre au président du conseil, seul responsable.