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et le congrès de berlin.

rien de ces négociations, fut instruite par le Times. Dans une correspondance célèbre datée de Paris, et inspirée, dit-on, par un membre influent du ministère, le journal anglais dévoila le plan prussien, qui consistait à « entrer en France, à investir Paris par une marche rapide et à prendre position sur le plateau d’Avron pour imposer un nouveau traité restituant Belfort à l’Allemagne, limitant le chiffre de l’armée active et exigeant une contribution de dix milliards payables en vingt ans avec intérêt à 5 pour 100 et sans anticipation de payement ». C’était l’application d’une formule chère an parti militaire allemand et qui peut se résumer ainsi : « En finir avec la France n’est pas seulement une occasion à saisir, c’est un devoir envers l’Allemagne et envers l’humanité. » L’article du Times causa une profonde sensation en Europe ; l’indignation fut générale ; M. de Bismarck joua l’étonnement, tout se calma comme par enchantement, et les peuples respirèrent. Quand l’empereur de Russie arriva à Berlin, le 11 mai, la crise était déjà conjurée, mais son intervention ne s’en exerça pas moins dans le sens promis au duc Decazes, et les paroles qu’il fit entendre amenèrent le chancelier à comprendre le danger auquel il s’exposerait en essayant de nouveau de brouiller les cartes.

En toute cette affaire, le duc Decazes montra une souplesse et une décision, une énergie et une dignité dont on lui doit savoir gré et qui furent néanmoins méconnues. Les détracteurs du ministre ont été jusqu’à prétendre que la France, alors, n’avait pas été « directement menacée » par l’Allemagne, et cela, afin de se dispenser de toute reconnaissance envers lui. L’histoire dira, tout au contraire,