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la revanche celto-romaine : les capétiens

lui au gouvernement et définissable d’un mot : l’honnêteté. Ceux-là même qui voient dans cette qualité un condiment nécessaire de la vie sociale pour ce qui concerne les rapports individuels s’accordent trop souvent à la croire pratiquement inutilisable par les dirigeants d’une grande nation. Que ces dirigeants soient eux-mêmes honnêtes, c’est le plus qu’on doive espérer mais exiger qu’ils n’emploient que leurs pareils et imposent autour d’eux leur propre honnêteté, c’est verser dans l’utopie. Aussi bien de telles conditions ne seront-elles jamais réalisables que par un despotisme centralisé et de façon accidentelle et passagère ; tout régime tant soit peu teinté de liberté n’y saurait aspirer. Telle est la thèse accoutumée. Le règne de Louis IX y a donné pourtant un démenti d’une puissance singulière. Ce prince, en effet, ne s’est aucunement écarté de la tradition capétienne. Il a été opportuniste comme ses ancêtres, sachant comme eux patienter et louvoyer quand il le fallait, doser son action d’après les circonstances et marquer le juste milieu entre des tendances trop accentuées. Mais en ce faisant, il n’a à aucun moment oublié de consulter d’abord sa conscience aux fins de s’assurer de la valeur morale du geste qu’il allait accomplir. Et par la contagion de son exemple ou par une intervention de son autorité s’il la jugeait indispensable, il a obtenu de tous ses collaborateurs un égal souci de droiture et de loyauté. Anxieux avant tout de paix et d’ordre, toujours prêt à intervenir pour concilier les hommes sans desservir la justice, Louis IX ne tarda pas à attirer les regards de l’Europe entière. Il en devint l’arbitre. Le pape, l’empereur, les rois lui déférèrent le jugement de leurs querelles. Alors, « de l’Angleterre à la Palestine, le souverain aux fleurs de lys apparut comme le chef de la chrétienté ». Spectacle unique. La France n’était encore ni la plus grande ni la plus riche mais son roi était le premier par la confiance qu’il inspirait à tous. Quant aux sentiments des Français eux-mêmes, ils s’exprimèrent de façon touchante par l’unanimité du deuil national que provoqua la mort de Louis IX. Et l’un d’eux résuma par ces mots la pensée commune :

« À qui se pourront désormais les pauvres gens clamer
Quand le bon roi est mort qui tant les sut aimer. »

Appuyée sur une telle renommée, l’action extérieure du règne eut pu être beaucoup plus forte. Nous avons déjà noté l’insignifiance des deux « croisades » dirigées contre l’Égypte et la Tunisie. Aux frontières, il n’y a guère à relever que le traité signé à Corbeil en 1258 et par lequel les prétentions réciproques