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Bulgares. En 1389 c’est Kossovo, la profonde, l’irréparable défaite dont si longtemps les Serbes ont gardé la mémoire endeuillée au fond de leur cœur.

Sous Bajazet Ier (1389-1402) tous les émirats turcs d’Asie mineure sont annexés. Les Ottomans la possèdent toute entière à l’exception du petit État grec de Trébizonde et de la Cilicie qui appartient aux mamelucks d’Égypte. Alors s’organise une sorte de croisade occidentale dont le duc de Bourgogne, le maréchal Boucicaut et l’amiral Jean de Vienne sont les chefs et qui rallie au passage les Hongrois : sorte d’entreprise privée à laquelle les gouvernements ne prêtent qu’un appui distrait. Bajazet qui déjà bloquait Constantinople s’avance au devant de ces nouveaux ennemis et les rencontre à Nicopolis en Bulgarie (1396). Leur absurde témérité leur vaut un échec complet ; douze mille prisonniers sont égorgés. L’empereur Manuel II accourt à Paris demander du secours. Il y trouve un roi fou, Charles VI, une reine qui trahit ses sujets au profit des Anglais, une cour assoiffée de plaisirs. Qu’importe à tous ces gens ce qui se passe aux rives du Bosphore ? Savent-ils seulement où le situer ? Le secours vient pourtant d’un horizon bien inattendu. Tamerlan surgit du fond de l’orient, Tamerlan pour qui Bajazet n’est qu’un vil usurpateur, une manière d’aventurier sans noblesse. À Ancyre près d’Angora l’armée formidable des mongols a raison de la force turque (1402). Un massacre s’ensuit ; il y a sur le champ de bataille « des pyramides de têtes humaines qui rappellent les charniers assyriens ». Brousse est incendiée, Bajazet captif. Mais l’Europe n’a pas compris l’utilité d’une action simultanée. Qu’elle prit alors les Turcs à revers, leur épopée s’achevait. Mais elle ne bougea pas. Or Tamerlan et sa fureur passèrent. L’élan turc reprit sous Mourad II (1421-1451) comme de lui-même. Le sultan était pourtant un mystique que le dégoût du monde incita à deux reprises à se retirer dans un couvent de derviches. L’Asie-mineure n’en fut pas moins réoccupée, Salonique enlevée aux Vénitiens (1430), la résistance serbe de nouveau comprimée. Les Magyars prirent encore une fois en mains la cause de l’Europe chrétienne. Conduits par Jean Hunyade, ils remportèrent une série de succès. Un moment par le traité de Szegédin (1440) la Serbie et la Valachie se retrouvèrent libres. Mais victorieux à Varna, les Turcs y revinrent. Pendant ce temps l’albanais Scanderbeg[1] usait en vain sa vaillance contre eux. Mahomet II monté

  1. Scanderbeg est le nom turc de Georges Castriota (1414-1467) fils d’un chef albanais qui, à la mort de son père et sur l’appel de ses compatriotes d’origine, abandonna Constantinople où il avait été élevé et l’islamisme qu’il avait em-