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soit appliquée à ramener le bouddhisme. Son jour était passé en tant que religion dominante. Siladitya qui s’appelait en réalité Harsha Vardana était un cadet de famille et fut un souverain de hasard comme la plaine du Gange s’habituait maintenant à en voir passer. Les circonstances favorisèrent son élévation mais il échoua dans ses plans d’hégémonie. Les Dravidiens qu’il voulait soumettre lui infligèrent un échec complet. Il s’en consola en s’adonnant avec une passion désordonnée aux controverses théologiques. L’université de Nalanda qu’on a appelé l’Oxford hindou, située près de Bénarès, était alors la proie d’un scolastisme intense. Dix mille étudiants discutaient sans fin sur des problèmes de détail auxquels la foule ne pouvait s’intéresser et dont l’élite elle-même se détournait. Siladitya aimait à présider aux discussions — y conviant même des Brahmanes — mais pour autant qu’elles se terminassent à son gré ; et sa puissance séculière savait au besoin venir à l’aide de sa dialectique. Dans sa capitale, Kanaudj, il reçut en grande pompe le célèbre moine chinois. Hiouen Tsang et le fit participer à un concile qui s’accompagna de fêtes et de cortèges luxueux. Hiouen Tsang relate complaisamment la beauté des spectacles auxquels il assiste mais, en voyageur avisé, il ne manque pas de noter l’état misérable des villages et des quartiers populaires des villes qu’il traverse et l’affligeant contraste de tant de luxe avec tant de pauvreté. Aussi bien Siladitya était un prodigue qui dilapidait à plaisir ses propres trésors. En fêtant comme il le fit Hiouen Tsang, il avait bien quelque arrière-pensée, car il s’imaginait que l’alliance de la Chine bouddhiste pourrait consolidait son propre trône ; mais ce trône n’avait aucune base et s’effondra dès sa mort. L’anarchie reprit.

Une sorte de féodalité s’installa dans la plaine du Gange. La caste militaire des Rajputs y pourvut. Ce n’était point là, quoiqu’il y paraisse, une entité ethnique déterminée. Les Rajputs étaient des seigneurs « en quête d’aventures romanesques et de belles passes d’armes. » Ils ressemblaient aux chevaliers d’occident. Comme eux, courtois et braves, élégants et rudes, ils unissaient volontiers des instincts de brigands à des manières de grands seigneurs. Ils se taillèrent des principautés au hasard des circonstances mais, ne pratiquant pas le droit d’aînesse, ne purent étayer solidement leurs institutions féodales. Plus tard, vaincus par les musulmans, ils se cantonnèrent dans la région qui s’appela dès lors le Rajputana et qu’ils parsemèrent de forteresses dont une nature aride et tourmentée aidait à défendre les abords.