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les voies de l’amour

ment je ne suis pas l’artiste qui peint à coups de spatule et trace à grands traits des tableaux qui devront être vus de loin pour être admirés ; je m’attache peut-être trop aux détails et je me sers trop souvent du pinceau à miniature, mais hélas ! ces trois figures de jeunes filles ont laissé de trop cruels souvenirs dans mon passé pour que je n’en ébauche que les silhouettes.

« Les deux autres jeunes filles étaient les enfants de la maîtresse de pension, veuve depuis quelques années d’un ancien petit employé civique dont le salaire, correspondant à ses capacités, avait à peine suffi pour élever sa petite famille. Lui disparu, il ne restait plus à sa veuve que la ressource peu lucrative de tenir une maison de pension. Les deux fillettes, âgées respectivement de douze et quatorze ans à la mort de leur père, étaient jolies et leur mère escomptait un peu leur beauté pour décrocher quelque bon mariage parmi les futurs avocats ou médecins qu’elle aurait hébergés dans sa pension. Quand j’arrivai dans cette pension, les deux jeunes filles avaient à peu près dix-huit et vingt ans et leur beauté s’épanouissait presque dans tout son éclat. Elles étaient grandes, sveltes, élégantes, distinguées dans leur langage, quand elles le voulaient, majestueuses dans leur démarche. Leur beauté et leur réserve apparente m’intimidèrent tout d’abord. Je n’osais pas lever les yeux sur elles quand je sentais leur regard dirigé vers moi,