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Ici évidemment les « souliers » ne sont pas des babouches, ni aucune sorte de chaussures d’apparat.


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Il paraît que les ogresses indiennes ont des souliers, du moins celle à qui, pendant la nuit, certain prince du pays de Cachemire, veillant auprès d’un mort, coupe la jambe d’un coup de couteau. L’ogresse s’enfuit, et le prince ne pouvant mettre cette jambe dans sa poche comme pièce justificative, y met (ou plutôt met dans un pli de son vêtement) le soulier (shoe) de ladite ogresse, lequel, à lui seul, pouvait faire preuve, car certainement il était de taille[1].


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Restant dans le fantastique, nous passerons à un conte de la vieille Brihat-Kathâ (la « Grande Histoire ») ou, tout au moins, à un conte de la recension cachemirienne de ce livre jadis fameux, aujourd’hui disparu, — recension qui, au xie siècle de notre ère, a été versifiée à la fois par Somadeva et par Kshemendra, Cachemiriens l’un et l’autre[2] :


Un jour, dans un désert, le roi Putraka voit les deux fils d’un défunt asura (être malfaisant, sorte d’ogre), qui se disputent trois objets, composant l’héritage, un vase, un bâton et une paire de chaussures : le vase fournit tous les mets que l’on désire ; tout ce qu’on écrit avec le bâton se réalise, et, si l’on met les chaussures, on acquiert le pouvoir de voler à travers les airs. Putraka dit aux deux asuras : « À quoi bon vous battre ? Convenez que celui qui courra le plus fort aura ces trésors. » — « Accepté ! » disent les asuras. Pendant qu’ils sont à courir, Putraka met les chaussures et s’envole, emportant le bâton et le vase.


Le mot employé pour désigner les chaussures est pâdukâ, dans Somadeva ; dans Kshemendra, c’est upânah. Donc il s’agit ici de pantoufles ou de babouches magiques.


De tous les contes, orientaux et européens, que l’on peut rapprocher du conte indien, le plan de ce travail ne nous permet de mentionner que deux, qui ont été traduits du sanscrit en chinois à des

  1. Hirton Knowles, Folk-tales of Kashmir (Londres, 1888), p. 334.
  2. Ce conte se trouve dans le 1er volume (pp. 13, 14) de la traduction anglaise que M. C. H. Tawney a publiée de l’ouvrage de Somadeva, le Kathâ Sarit Sâgara (« L’Océan des Fleuves de contes ») (Calcutta, 1880-1884).