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— 297 — pilon sur la jarre, qui se brise, et saisit la jeune fille, laquelle, n’ayant plus d’eau à sa disposition, ne peut plus reprendre sa forme de pois- son (i). Ils s’épousent. Un jour que le jeune homme est aux champs, des soldats du roi passent par là, et, voyant la belle jeune femme, ils l’enlèvent et la con- duisent au roi.« Celui-ci l’épousa aussitôt, lui donna le rang de pre- mière reine et négligea pour elle toutes ses autres femmes, sans pouvoir cependant lui faire oublier son vrai mari. » Rentrant à la maison, le jeune homme est désolé de ne plus trouver sa femme ; mais il s’aperçoit qu’une traînée de graines de chou, partant de la maison, se prolonge vers la campagne, et il se dit que sa femme a voulu lui indiquer ainsi le lieu oii on l’a emmenée. Il marche donc dans cette direction, longtemps, longtemps, si bien que ses habits déchi- rés lui donnent l’air d’un mendiant ; il finit par arriver à la capitale et au palais du roi. Justement sa femme se trouve dans la cour, devant le ])alais ; en l’apercevant, elle se met à sourire de joie. Le roi, voyant ce regard et ce sourire, dit à la reine : « Depuis une année, malgré tous mes soins, malgré toutes les preuves de mon amour, je ne vous ai pas vue sou- rire. Puisque l’accoutrement de ce mendiant vous rend gaie, je veux désormais me vêtir comme lui. » Aussitôt il va troquer ses habits royaux contre les haillons du jeune homme, et il veut ensuite retourner auprès de la reine. Mais les chiens du palais, ne le reconnaissant pas sous sa défroque de mendiant, se jettent sur lui et le mettent en pièces. Alors la reine introduit son vrai mari dans le palais, où, en le voyant revêtu des habits royaux, tout le monde le prend pour le roi. Et il règne, en effet, à partir de ce moment, « avec beaucoup de sagesse ». Faut-il voir, dans ce dénouement baroque, un élément hétéroclite, un appendice purement tonkinois, greffé sur un corps de récit lequel, — • apparenté, comme il l’est, à la famille de contes que nous venons d’examiner, — a été certainement importé au Tonkin ? Ce serait se tromper grandement ; car ce même dénouement termine, dans un livre bouddhique mongol, le Siddhi-kiir, un conte similaire. Ce Siddhi-kilr, a le Mort doué du siddhi », c’est-à-dire d’une vertu magique (le mot siddhi a été emprunté par les Mongols au sanscrit), est une traduction ou plutôt une imitation d’une recension bouddhique très particulière du livre sanscrit la Vetâla-pantcha- vinçaii, ce Les Vingt-cinq [Récits] du Vetàla », sorte de vampire. Le conte en question forme la 28 et dernière des histoires racontées par Siddhi-kûr (2). Certainement, en subissant l’action du milieu (1) Ce trait du brisement de la jarre est certainement une altérritiou du trait lialjituel, la destruction de l’enveloppe animale. vl) Voir ta traduction allemande du livre mongol par feu IJernliard .li’iig, Mcm- Çjoligche M jjrchcn ( if,)rnck, 18i)S), p. ’Vi et suiv.