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écoute ce que je viens de voir. J’ai trouvé là trois rubis. Dois-je les prendre ? — Mon enfant, la vie est dure. Ton père a gagné honnêtement une fortune et il ne nous en reste rien. » Bref, l’épée toujours au vent, il retourna dans cet endroit, prit un rubis, le mit dans sa poche et n’en souffla mot. Quand le jour fut près de se lever, ils se mirent en route.

Enfin, ils arrivèrent dans une ville. « Nous allons nous établir ici, » dirent-ils. Ils louèrent un appartement. Le jeune homme ouvrit une boutique de petit marchand et se livra au commerce. Le roi du pays avait une fille qui s’appelait Demmeghzâlaletstseldj, Sang-de-gazelle-sur-la-neige. Elle était supérieurement belle. Un jour, le vizir la demanda en mariage pour son fils. « Quant à moi, je te la donne, lui répondit le roi. Mais il faut la consulter. » Dans ce pays-là, les filles se mariaient à leur gré et non selon la volonté de leur père. Le Sultan qui était enchanté que son vizir lui eût demandé sa fille, vint trouver celle-ci. « Je te demande, lui dit-il, d’agréer le fils du Vizir. — Non, lui répondit-elle, je ne l’épouserai pas. Si je dois l’épouser, j’exige qu’il m’offre trois rubis. J’en porterai un entre les deux yeux et un à chaque main. D’autres conditions viendront après celle des rubis. » Le Sultan comprit que le vizir ne se tirerait pas de l’épreuve, parce que, dans cette contrée, personne ne possédait de rubis et l’on ne connaissait ces pierres que par ouï-dire.

Cette jeune princesse était très savante dans l’art de deviner l’avenir d’après l’inspection des entrailles de chameaux. Elle y avait vu qu’elle devait épouser le fils du marchand qui venait d’arriver dans le pays.

Un jour, on entendit le crieur public faire cette proclamation : « Écoutez, croyants, et qu’Allah vous fasse entendre ceci pour votre bien ! Celui qui veut s’enrichir, dans le cas où Allah lui a assigné la richesse, devra quitter son pays et parcourir les pays étrangers à la recherche de trois rubis qu’il devra rapporter au Sultan. » Les gens sortirent et pérégrinèrent à travers les villes. Pour le fils du marchand, dès qu’il fut avisé, il se rendit auprès du Sultan. « Notre Seigneur, je n’en ai qu’un, je te l’offre en présent. » Le Sultan ne voulut pas l’accepter ainsi et il le dédommagea généreusement. À partir de ce jour, le fils du marchand fut riche et il devint un gros commerçant. Les autres voyagèrent, cherchèrent et ne trouvèrent pas.

« Ma fille, nous ne t’en avons trouvé qu’un. — J’en veux trois. Et celui qui entend m’avoir devra passer par cette condition. »