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prédicateurs, mais non pas assez bien pour remplir l’idée que j’ai d’un parfait orateur évangélique. »

6° La précision, la vérité, la netteté, caractérisent les Essais de littérature et de morale par l’abbé Trublet. On y voudrait souvent un peu plus de nouveauté dans la pensée et un peu plus de naturel dans l’expression. Il met trop souvent son esprit à la torture pour faire paraître neuf ce qui est vieux. Cet auteur a un talent singulier pour saisir le ridicule, ce qui fit dire à une de nos muses qui venait de lire ce livre : « L’abbé Trublet a bien de l’esprit, mais je ne voudrais pas souper avec lui. » L’ouvrage qui a occasionné ces jugements est intitulé Amusements de la raison[1], par l’abbé de La Tour, auteur d’une Vie d’Épaminondas. Ce livre renferme des maximes et des caractères sur divers sujets de morale et de goût. Les maximes sont presque toutes fausses ou triviales ; les caractères valent mieux, et beaucoup mieux. Cependant l’abbé est ordinairement burlesque quand il veut être plaisant, dur quand il veut être fort, plat quand il veut être naturel, obscur quand il veut être serré. Il règne en général, dans ce livre, un ton de gaieté qui le fait lire.

— Il paraît depuis quelques jours une Épître à Louise, en vers marotiques, par M. Marchand, avocat et auteur de la célèbre Requête du curé de Fontenoy[2]. Cette épître ne dément point la réputation de l’auteur. Elle est semée de mille traits ingénieux et nouveaux ; mais elle a le défaut d’être un peu trop longue et trop diffuse. Au reste, on est dédommagé.

— Quoique Saint-Évremond qualifie l’opéra de sottise chargée de musique, de danse, de machines, etc., je crois que vous me saurez gré de vous en faire l’histoire. Je commence par ce théâtre, je viendrai ensuite aux autres. Le théâtre lyrique n’a commencé qu’en 1645. Le cardinal Mazarin, qui en est l’inventeur, fit venir des acteurs d’Italie pour représenter le ballet de la Festa teatrale della finta pazza. Il fut exécuté comme un simple ballet. En 1647, l’opéra devint plus brillant. La tragédie d’Orphée et Eurydice fut honorée la première de décorations de machines et d’habits. La nouveauté est la folie du Français. Ce spectacle le charma. Peu de temps après, l’abbé Perrin composa

  1. Paris, 1747, 2 vol. in-12.
  2. Cette facétie a été attribuée aussi au poëte Roy.