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leurs voisines et leurs compères. On peut juger par là de la musique du ballet nouveau. Il faut cependant rendre justice à quelques morceaux de récitatif assez bien exprimés : tout le reste en est mauvais ou faible, ou pillé.

Les paroles ont le seul avantage d’être faites par un jeune homme qui laisse entrevoir une sorte de talent : le ballet est en trois actes avec un prologue. Ce prologue n’est guère ingénieux ; il est, comme tous les autres, collé au sujet. Le vieux jardinier du père de Chloé, à la vue de la beauté des fleurs qu’il cultive, se rappelle le temps passé où il donnait des bouquets à sa belle. Un enfant (c’est l’Amour) l’interrompt dans ses regrets. Le bonhomme, qui sait que les enfants sont étourdis, craint pour ses fleurs et veut l’arrêter. L’enfant se moque du vieillard et cueille ses fleurs. Le jardinier désespéré veut le chasser et le menace même de le punir. Mais un certain je ne sais quoi fait expirer sa colère ; d’autres enfants paraissent soudain et augmentent le dégât à la crainte du jardinier. L’Amour enfin se fait connaître en lui adressant ces paroles :


Je ne viens point ici faire verser des pleurs ;
Depuis longtemps j’habite ce bocage.
Je suis dieu des amants. Souvent, dans ton bel âge,
Je te comblai de mes faveurs.
J’attirais en ces lieux l’objet qui sut te plaire,
Je t’indiquais la fleur qui lui plaisait le mieux,
Et si j’étais invisible à tes yeux,
C’est que j’étais caché dans ceux de ta bergère.


Voici comment le poëte a traité le sujet en s’écartant un peu du roman. Chloé passe pour être la fille d’un nommé Drydas, jardinier de Saphir qui est son véritable père. Chloé est enlevée par des corsaires : Daphnis apprend cette triste nouvelle à Drydas, et lui reproche d’en être la cause par le refus qu’il lui a fait de la lui donner en mariage. Les nymphes sous la protection desquelles étaient Daphnis et Chloé ordonnent à Daphnis de s’embarquer et de laisser voguer sa barque au gré des vents jusqu’à l’endroit où elle s’arrêtera d’elle-même. Il accepte l’augure, il s’embarque. Sa nacelle vogue et s’arrête tout à coup près d’une île. Daphnis saute sur le rivage et aperçoit une bergère endormie ; il s’approche, son cœur tressaille.