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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

sauver[1]. Le temps, au reste, comme nous l’avons déjà dit, fut presque toujours défavorable, et contraria souvent les opérations. Cependant sur le soir il devint beau, et la brise favorable.

Quelques personnes s’attendaient à voir le lendemain relever le navire, et leur joie annonçait qu’elles en étaient pleinement persuadées. Il y avait, il est vrai, quelques probabilités ; mais elles étaient bien faibles ; car la frégate n’avait fait que sortir de son lit. À peine étions-nous parvenus à la faire changer de place, à une distance de deux cents mètres environ, que la mer commença à baisser : la quille reposa alors sur le sable ; ce qui fit presque évanouir les dernières lueurs d’espérance dont quelques-uns de nous se laissaient encore éblouir. Si dans cette soirée on eût pu la mettre à deux ou trois encablures plus au large, en l’allégeant encore, peut-être, nous le répétons, nous serions-nous trouvés hors de danger. Après de longues fatigues nous nous couchons sur le pont au clair de la lune ; mais à minuit le ciel s’obscurcit, la brise s’élève, la mer grossit, la frégate commence à être secouée. Ces secousses sont bien plus dangereuses que celles de la nuit du 3 au 4, parce que le bâtiment dérangé de la faille qu’il avait faite dans le sable, reçoit des mouve-

  1. Deux officiers, MM. Lapérère et Maudet, déployèrent la plus grande activité. Ils auraient voulu jeter à la mer tous les objets susceptibles d’y être envoyés. On le permettait pendant un instant, et le moment d’après venait un ordre opposé.