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CHAPITRE III.
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tinuant à se haler dessus, on eût dans cette soirée mis la frégate entièrement à flot. Tous les objets qui furent jetés à la mer l’avaient allégée de 20 ou 30 centimètres au plus. On aurait certainement pu diminuer encore son tirant d’eau ; mais on ne le fit pas, parce que le gouverneur du Sénégal s’opposa à ce que les barils de farine fussent envoyés à la mer, alléguant que la disette la plus grande désolait les comptoirs européens. Ces considérations n’auraient cependant pas dû faire oublier que nous avions en batterie quatorze canons de dix-huit ; qu’il était facile de les débarquer et de les envoyer, même à une assez grande distance de la frégate, au moyen des palans de bouts de vergues. On pouvait d’ailleurs faire des chapelets parfaitement soignés, de tous les barils de farine, et une fois hors de danger, on eût pu sans peine les ressaisir. L’exécution de ce moyen ne devait faire concevoir aucune crainte d’altérer beaucoup les farines qui, plongées dans l’eau, forment autour du bois qui les renferme une croûte assez épaisse, pour que tout l’intérieur se conserve parfaitement. On essaya bien les chapelets ; mais on y renonça, parce que les moyens qui furent mis en usage étaient insuffisans. Il aurait fallu y apporter plus de soins, et toutes les difficultés auraient été levées. On ne prit que des demi-mesures, et il régna dans toutes les manœuvres une incertitude et des tâtonnemens tout à fait préjudiciables à notre salut.

Si, dès que nous fûmes échoués, on eût de suite allégé la frégate, peut-être serait-on parvenu à la