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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.
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Si la perte du navire devenait certaine, il fallait assurer une retraite à l’équipage. Un conseil fut convoqué, dans lequel le gouverneur du Sénégal donna lui-même le plan d’un radeau susceptible, disait-on, de porter deux cents hommes avec des vivres[1]. On fut obligé d’avoir recours à un moyen de cette nature, parce que les six embarcations du bord furent jugées incapables de se charger de quatre cents hommes que nous étions. Les vivres devaient être déposés sur le radeau, et aux heures des repas les équipages des canots seraient venus y prendre leurs rations. Les promesses les plus séduisantes nous furent faites, pour mieux nous cacher la profondeur de l’abîme qu’on nous présentait : on nous dit encore qu’on placerait sur le radeau les cent vingt mille francs que nous avions à bord de la frégate, et que, dans le cas où une embarcation viendrait à chavirer, le radeau servirait de refuge. Voilà quels furent les propos séduisans que nous tinrent MM. Chmaltz, Chaumareys et presque tous les officiers du navire. Nous devions tous gagner ensemble les côtes sablonneuses du désert, et là, munis d’armes et de munitions de guerre que devaient prendre les canots avant notre départ de la frégate, former une caravane et nous rendre à l’île Saint-Louis. Les événemens qui eurent lieu dans la suite prouvèrent

  1. Ce plan fut montré à plusieurs personnes ; nous le vîmes nous-mêmes entre les mains du gouverneur, qui le crayonnait, appuyé sur le petit cabestan de derrière.