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SUR LA HOUILLÈRE DE BEAUJONC.

rage des hommes faits qui l’entourent. Enfin, Messieurs, c’est Hubert Goffin, dévoilant sa belle âme dans ces mots immortels : « Si je monte, mes ouvriers périront ; je veux les sauver tous ou périr avec eux. »

« C’est encore son fils, son généreux fils, applaudissant à la résolution héroïque d’un tel père. Trois fois ils ont pu retourner à la lumière ; trois fois ils ont présidé au départ de ceux de leurs compagnons qui se hâtaient de fuir. L’eau se précipite en torrens, le danger est certain ; plus de soixante mineurs sont au loin dans les entrailles de la terre, et ils ne peuvent revenir avant que le passage ne soit fermé. Présent à tout, Goffin fait ouvrir une issue pour que du moins ils puissent arriver jusqu’à lui. Il sait qu’ils n’auraient pas l’art de régler les efforts propres à les sauver : sa résolution est prise, son fils reste auprès de lui ; leur exemple retient les braves Bertrand, Labeye et Clavir. Ces hommes généreux courent à la recherche de leurs compagnons d’infortune, et derrière eux l’eau forme une barrière invincible. Un gouffre inaccessible les sépare de nous, ils ne sont plus en communication avec ce monde. Privés d’alimens, guidés par une faible lumière, ces malheureux sont enfouis à une profondeur effrayante. Là, leur nourriture est une vapeur épaisse et méphytique ; plus loin l’air en s’enflammant peut les consumer tout vivans, dans le centre de la terre, quoiqu’entourés d’eau de toutes parts. Ils ont pour perspectives prochaines les ténèbres et la mort