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SUR LA HOUILLÈRE DE BEAUJONC.


caché de l’argent dans notre étable à vaches, comment ma mère pourra-t-elle le trouver ? —Et toi, mon fils, où as-tu caché le tien  ? Moi, je n’ai qu’un petit écu, c’est ma sœur qui l’a. »

Deux ouvriers se disputant, sont au moment de se battre : « Laissons-les faire, disent les autres, si l’un d’eux est tué, il pourra nous servir de nourriture. » Ce propos mit fin à la querelle. Quelques-uns mangèrent les chandelles qu’ils avaient cachées, d’autres burent leur urine préférablement à l’eau, qui était extrêmement mauvaise.

Nicolas Bertrand, Mathieu Labeye, et Melckior Clavir, ces hommes courageux qui avaient suivi volontairement leur brave chef, répétaient souvent : « cher Goffin, il faut bien aimer un homme pour aller chercher la mort avec lui plutôt que de l’abandonner. » Un autre lui adressait des reproches : « Si vous ne m’eussiez appelé, peut-être que j’aurais pu monter au quatrième panier. »

C’est ainsi que l’homme le plus généreux était doublement tourmenté

Cependant, telle est la mobilité de l’imagination, qu’à l’idée de la mort la plus affreuse, succède une scène comique.

L’un de ces infortunés, envoyé à la tranchée, se plaint, en y entrant, pour la première fois, de la chaleur excessive qu’il ne peut supporter, faisant observer qu’il n’avait qu’un trou au nez… ; ses camarades éclatent de rire, il est renvoyé et dispensé de travailler.