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SUR LA HOUILLÈRE DE BEAUJONC.

privés d’air et d’alimens depuis cinq jours et cinq nuits.

La lumière dans notre galerie est à distance de travailleurs, le garde-feu a ordre de reculer à mesure que la flamme de la chandelle lui indiquera la présence du gaz inflammable. Du bouillon, du vin et des couvertures sont descendus dans la bure ; les femmes, les enfans sont éloignés de l’enceinte des bâtimens. Infortunés ! ils ignorent encore que plusieurs d’entre eux auront à pleurer un mari, un père, un fils. Avouons-le, la sensibilité n’exclut point le courage ; depuis cinq jours nous avions tous le cœur navré d’un spectacle d’autant plus déchirant que les familles des houilleurs sont très-nombreuses, et que toutes sont réduites à la misère la plus affreuse lorsqu’elles perdent leurs chefs. MM. Gorgeons, colonel de la gendarmerie, de Rouvroy, auditeur-sous-préfet, et d’autres personnes distinguées, viennent dans la nuit nous offrir leurs services. Nous sommes tous impatiens, et les ouvriers désirant avoir le mérite de délivrer leurs camarades, ne veulent plus être relevés.

La nuit se passe ainsi dans l’attente jusqu’à sept heures du matin, le 4 mars, que les travailleurs, également impatiens, font jouer une mine dont la fumée les incommode. Ce moyen expéditif est interdit, parce que son effet intérieur peut tuer quelques-uns des hommes mêmes que nous voulons arracher au tombeau ; la poudre peut aussi allumer le gaz inflammable et faire périr nos propres travailleurs. D’ailleurs, nous