Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/478

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
472
RELATION

Ah ! sans doute, il ne fut jamais de position plus désespérante ! Ici la réflexion est l’agonie même ; plus de folles espérances, plus d’illusion trompeuse, plus d’avenir, plus de lendemain, car la faible lumière qui les éclaire encore va bientôt, en s’éteignant, les priver du moyen de diriger leurs travaux impuissans[1].

Mais écartons un moment de notre vue ce tableau déchirant : ceux dont le salut va occuper tous nos instans ne sont plus en communication avec ce monde : il faut un prodige pour les sauver. En supposant qu’ils respirent encore, le terme de leur vie est limité ; une heure, une minute sont des siècles pour eux. Ah ! si nous les ramenons à la clarté du jour, nous confondrons nos larmes en écoutant le récit de leur existence dans le séjour des morts !

Informés du malheur affreux que nous venons de retracer, MM. Mathieu, ingénieur en chef des mines, et Migneron, ingénieur ordinaire, se transportèrent sur les lieux.

Déjà les femmes et les enfans faisaient retentir l’air de leurs cris lamentables, et c’est au milieu de ce théâtre de désolation que des ordres sont donnés pour faire arriver tous les secours nécessaires.

  1. Ce n’est qu’après avoir visité plusieurs mines de houille que nous avons pu avoir une idée juste des dangers des mineurs qui parcourent tous les jours ces labyrinthes, où souvent on ne peut avancer qu’en se traînant, où l’on est quelquefois privé d’air, exposé à être brûlé par le gaz inflammable, noyé par des lacs souterrains et écrasé par des éboulemens.