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SUR LA HOUILLÈRE DE BEAUJONC.

éloignées pouvaient se sauver pendant que les parties basses se remplissaient d’eau.

Ces dispositions sauvèrent, en effet, la vie à beaucoup d’ouvriers, qui eurent le temps de rejoindre leur brave chef. Malheureusement quelques-uns, sourds à sa voix, restèrent près du bure dans le lieu du chargement et dans l’espoir d’atteindre le panier ; ceux-là périrent victimes de leur imprudence. Le panier redescendit ensuite plusieurs fois inutilement.

Les échelles placées pour le service de la machine à feu semblaient offrir un autre moyen de salut ; mais les malheureux qui ont tenté d’en profiter ont été précipités par la violence de la chute d’eau.

Les ouvriers et les enfans étant rassemblés, Goffin leur répète plusieurs fois : « Lambert Colson ne nous abandonnera pas, marchons vers la Roisse[1], nous irons sur montées ; il saura où nous serons, et si nous ne pouvons sortir d’ici par Beaujonc, nous sortirons par Mamonster. »

Que l’on se figure l’état de ces malheureux enfouis dans les entrailles de la terre, à cent soixante-dix mètres de profondeur, rassemblés dans un petit espace, privés d’alimens et presque d’air vital ; n’ayant qu’un espoir vague et craignant cependant encore d’être submergés par les eaux qui augmentaient à vue d’œil ! L’imagination ne va point au de-là, elle s’effraie même de l’espace immense qui les sépare du reste des hommes.

  1. Roisse, galerie qui coupe obliquement les montées.