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MÉMOIRE

énorgueilli de leurs triomphes. Des pensions de retraite, voilà tout ce que le ministre devait leur accorder. Cependant il confie au plus incapable, au plus présomptueux de ces marins de l’autre siècle, le commandement en chef d’un expédition importante, la destinée de quatre cents Français et la valeur d’une division navale : ident ( ?) l’équipement a coûté les contributions de deux cents communes. Aussi, le capitaine Chaumareys, après l’échouement de la frégate dont il parait avoir été seul la cause, prend-il de plus en plus de mauvaises mesures pour sauver l’équipage et les passagers. Cent cinquante deux personnes s’entassent sur un radeau mal construit. Quelques accidens survenant, le capitaine lâche sa remorque et laisse cent cinquante deux Français lutter, pendant treize jours, avec la faim et la soif, la tempête, le soleil du tropique ; il les laisse en proie aux horreurs de la calenture. De quinze qui parviendront à terre cinq n’y trouveront qu’un tombeau. Le capitaine, osera néanmoins reparaître en France. Un conseil le jugera, le sauvera même (puisqu’il lui conservera la vie) et ce jugement ne sera point rendu public ; les journaux, asservis n’en feront aucune mention ; et nul pair, nul député, ne se lèvera, pour accuser un ministre complice de ce désastre, dès l’instant qu’il revêt le coupable de sa protection !