Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
387
MÉMOIRE

une fois touché au port, n’ont pas de suite reporté leur pensée et tous leurs efforts vers ceux de leurs compatriotes qu’ils avaient laissés luttant contre la mort, et auxquels un seul moment de retard pouvait et devait coûter la vie ; contre ceux qui ont laissé écouler plusieurs jours avant de penser même à nous envoyer des secours ; qui ont même refusé ces secours qu’offraient de généreux étrangers, et qui doivent être responsables devant Dieu et devant les hommes de toutes les scènes épouvantables qu’a provoquées ce funeste retard ; contre ceux qui, au mépris des lois divines et humaines, ont permis ou autorisé le pillage des débris de notre naufrage ; contre ceux enfin qui, aussi insensibles à l’honneur national qu’aux souffrances de leurs compatriotes, ont permis que l’étranger méprisât notre pavillon et les instructions de notre Souverain, au point de refuser la remise de la colonie, et qui n’ont pas même protesté contre cette insulte.

Telle est la justice que nous demandons et que nous avons fait serment de poursuivre au moment où nous avons vu s’éloigner ceux qui avaient juré de se sauver ou de périr avec nous ; serment que nous avons renouvelé au milieu des imprécations du désespoir et sur les cadavres des malheureux, victimes de l’horrible égoïsme que nous vous dénonçons.

C’est sur le capitaine du vaisseau, sur le commandant maritime de l’expédition que doit peser la terrible responsabilité de cet événement. Il a été traduit, nous dit-on, devant un conseil maritime, et con-