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MÉMOIRE

des agens auxquels nos destinées avaient été si imprudemment confiées.

Plus nos malheurs avaient été grands, plus ils accusaient l’inexpérience, l’inhabileté et les préjugés de ce ministre.

Nos plaintes ne pouvaient donc que l’importuner et le fatiguer. Il nous l’a fait cruellement sentir : on nous a, non-seulement refusé tout adoucissement, tout allégement dans notre position ; on nous a fait calomnier ; on a cherché à nous rendre odieux ; on nous a forcés d’abandonner nos emplois.

C’est ainsi que l’honneur de la France et les lois de l’humanité ont été sacrifiés à un misérable sentiment d’amour-propre

Certes, nous, ne demandions ni récompense brillante, ni honneurs éclatans ; nous ne prétendions même pas être à charge à l’état ; la plus légère marque d’intérêt, de compassion même, de la part du gouvernement de notre pays, eût suffi pour cicatriser nos blessures et nous faire oublier nos malheurs.

Reportant nos yeux sur le passé, nous nous rappellions comment le courage et la constance de Goffin, dans une catastrophe moins terrible, avaient été récompensés par un gouvernement qui ne reposait cependant pas, comme le nôtre, sur des institutions libérales, et qui semblait par là moins susceptible de cette exaltation d’honneur et de générosité que produit ordinairement la liberté.

Nous avions peut-être, le droit d’espérer, au moins