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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

cien commerce et qui la dédommageront avec usure des sacrifices qu’elle aura faits dans le Nouveau-Monde. Mais pour cela, plus d’expéditions secrètes ; plus de complaisance pour des enlèvemens frauduleux ; plus de malheureux noirs arrachés à leurs familles, à leur patrie ; plus de larmes de désespoir versées sur ce triste sol africain, depuis si long-temps témoin de tant de douleurs ; plus de victimes humaines tracées aux autels des infâmes et insatiables divinités qui en ont tant dévoré ; par conséquent, plus d’occasion d’entendre au parlement d’Angleterre des voix hardies accusant notre loyauté et attaquant l’honneur national, articuler positivement que la France nourrit dans ses possessions d’Afrique le système de la traite comme avant qu’elle en eût consenti l’abolition.

L’Afrique offre à nos spéculations, aux entreprises de notre industrie, un sol vierge, une population inépuisable et toute propre à la féconder. C’est à nous à la plier à nos vues, en l’y associant par des intérêts communs, en la conquérant par des bienfaits, au lieu de l’asservir par des crimes, de l’abrutir par la corruption ; en la conduisant à l’ordre social, au bonheur, par notre supériorité morale, au lieu de la traîner, sous les fouets et les fers, à la misère et à la mort, nous aurons accompli une entreprise utile et glorieuse ; nous aurons élevé notre prospérité commerciale sur le plus grand avantage de ceux qui en seront devenus les volontaires instrumens ; nous aurons surtout expié, par un bien immense, l’immense crime des outrages dont nous avons si long-temps affligé l’humanité.