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CHAPITRE XV.

trouve entourée d’une grande quantité de cases de noirs qui forment un village assez étendu. Ces cases tendent à affermir les sables et empêchent leur éboulement. Les habitans de ce village sont très-superstitieux, comme va le prouver l’anecdote suivante.

Dans le courant du mois de septembre, MM. Kummer et Corréard traversèrent le bras du fleuve pour aller visiter la cour de Barbarie et le village de Guétandar. Lorsqu’ils furent descendus sur la pointe, ils se dirigèrent au nord, et après avoir fait environ trois ou quatre cents pas sur le rivage, ils rencontrèrent une tortue, dont le diamètre était d’un mètre au moins. Elle était renversée sur le dos et couverte d’une quantité prodigieuse de tourlouroux[1]. M. Corréard s’arrêta un instant et remarqua que, lorsqu’avec sa canne il avait blessé un de ces animaux, les autres le dévoraient à l’instant. Pendant qu’il examinait ces tourlouroux, qui se nourrissaient de cette tortue, M. Kummer s’est dirigé vers le sud, et visitait les lieux consacrés à la sépulture des noirs. M. Corréard le rejoignit, et ils virent que les naturels élèvent au-dessus du tombeau de leurs pères, de leur parens et de leurs amis, de petits mausolées, les uns faits en paille, d’autres avec de menus morceaux de bois, et même avec des ossemens. Tous ces fragiles monumens sont con-

  1. Espèce de crabes qui sont répandus sur le rivage de la mer : c’est le Cancer cursor de Linné, et le même qui se trouve sur le rivage des Antilles.