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CHAPITRE I.
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eut connaissance de l’approche d’une frégate française, que son capitaine allait délivrer ses infortunés compatriotes ; il les fit en conséquence tenir prêts à partir ; mais sa surprise fut au comble, quand il vit la proposition qu’il fit à cet égard au chef des quatre officiers de marine descendus à terre, accueillie par le refus formel de recevoir ces six Français dans leur canot. Il allégua pour raison qu’il n’en avait pas reçu l’ordre du capitaine de la frégate, ni du gouverneur de la colonie qui était à bord. Les touchantes prières, les vives supplications de ces malheureux ne firent pas plus d’effet auprès de leurs compatriotes, que les sollicitations du brave et digne Espagnol qui, au rapport des matelots, était hors de lui-même de voir tant d’inhumanité dans un officier français, et dont l’ame élevée ne pouvait concevoir un pareil refus. C’est avec un vif plaisir que nous rendons justice à M. Lapérère, qui insista fortement pour emmener ces infortunés ; mais ses prières ne purent fléchir celui qui commandait l’embarcation.

La vue de Ténériffe est majestueuse ; toute l’île est composée de montagnes extrêmement élevées et couronnées de rochers effrayans par leur grosseur, qui, du côté du nord, semblent s’élever perpendiculairement sur le plan de la mer et menacer à tout instant de leur chute les vaisseaux qui passent auprès de leur base. Au-dessus de tous ces rochers s’élève le Pic dont la tête se perd dans les nues. Nous ne nous sommes pas aperçus, comme le disent plusieurs voyageurs,