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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

jeune homme de dix-huit à vingt ans, déjà décoré de cette même marque de mérite que M. Corréard réclamait, et qui ne lui montra qu’un étonnement plus que désobligeant sur l’objet de cette réclamation, en lui demandant s’il comptait vingt-cinq ans de service. À cette réception, M. Corréard, éprouvant de son côté quelque chose de plus que de l'étonnement, crut devoir se retirer, non sans avoir fait observer à ce très-jeune homme que lui, qui paraissait si difficile sur les titres des autres, avait dû, selon les apparences, pour entrer dans la Légion d’honneur, se faire compter les années de service de ses aïeux.

Ses amis lui persuadèrent encore de réclamer auprès de Mgr. le duc d'Angoulême, duquel, en sa qualité de grand amiral de France, ces mêmes amis pensaient que M. Corréard pouvait attendre une intervention plus efficace pour le succès de ses demandes au ministère de la marine. Il se rendit donc aux Tuileries le 8 mai, et il eut l’avantage, malgré la difficulté de marcher que lui causaient ses blessures, de joindre le prince au sortir d’une revue, et de lui présenter un mémoire à son passage. S. A. R. l’accueillit avec intérêt, témoigna sa satisfaction de voir un des réchappés du funeste radeau, et lui serrant la main de la manière la plus affable : « Vous avez, mon ami, lui dit-il, éprouvé de bien grands malheurs. Il paraît qu’au milieu de ces désastres, vous vous êtes bien comporté ». Après avoir parcouru le mémoire, le prince voulut bien ajouter encore : « Voilà comme on doit servir le